Une grande part de son œuvre partage une sensibilité esthétique avec les peintures de la période dorée de Gustav Klimt. Le peintre symboliste autrichien, connu pour ses toiles intenses, dorées, baignées d’une intimité romantique, est une de ses influences. Klimt utilisait des motifs de mosaïque dorés et texturés en ornements élaborés qui évoquaient les reliques byzantines. Bien que Chatmon utilise des motifs et couleurs d’une façon très similaire à celle de Klimt, ses intentions sont tout autres. Elle veut émuler dans sa propre création les sentiments de pouvoir, de magnificence et de beauté qu’elle ressent devant Klimt. « J’essaie de dire à ceux et celles qui posent pour moi que ce sont des personnes importantes, qui ont de la valeur, qui sont beaux et belles », explique-t-elle.
Avant de s’intéresser aux beaux-arts, Chatmon, d’abord formée aux arts de la scène, a travaillé comme designer et photographe commerciale. Ce n’est qu’après le décès de son père qu’elle a réévalué son potentiel. Elle s’était beaucoup occupée de son père pendant sa maladie et peu de temps avant qu’il meure, il lui avait donné un important conseil : « Quand je vois tout ce que tu fais pour moi… pourquoi ne travailles-tu pas aussi fort pour tes photos? », se rappelle-t-elle. Après sa mort, Chatmon a traversé un deuil difficile. « Une partie de moi ne voulait plus rien faire, dit-elle, et ensuite, l’autre partie de moi voulait qu’il soit fier de moi et voulait suivre son conseil. »
Peu après, Chatmon a commencé à percevoir différemment son propre rôle parental. « Sa perte m’a fait réfléchir à ce que ressentiraient mes enfants sans moi. Que feraient-ils? Avec tout ce qui se passe dans le monde, la pensée de laisser mes enfants derrière moi me troublait. Je me suis mise alors à me concentrer sur la création d’œuvres d’art. » Et sa façon de le faire était de créer de magnifiques portraits de Noirs, un art qui reflète le monde où elle veut voir vivre ses enfants. « Moi et mes enfants, nous allions à des manifestations, nous faisions des dons à divers organismes, mais je cherchais toujours ce que je pouvais faire de plus? » Ce n’est qu’au moment où l’artiste du Maryland s’est interrogée plus en profondeur sur la façon dont elle contribuait au monde qu’elle souhaitait pour ses enfants que de nouveaux concepts et thèmes ont commencé à guider ses images. Des questions clés comme « Quelle pourrait être ma contribution à un certain changement? » ont éclairé son processus créatif, jusqu’à ce qu’elle laisse ses photographies parler pour elle. « Mon travail, dit-elle, est devenu plus puissant que tout ce que je peux dire. »
« Je sais depuis toujours que je suis une femme noire », ajoute-t-elle, en soulignant l’inégalité qu’elle a connue et vécue depuis sa naissance. Après être devenue mère, son activisme a commencé à germer et elle s’est mise instinctivement à songer aux implications de créer un monde meilleur pour sa famille. « Être mère m’a confirmé qu’aucune discrimination n’était acceptable pour mes enfants. Toutes mes préoccupations et toutes les émotions qui s’y rattachaient se sont alors déversées dans mon travail », explique-t-elle. Son but est de transmettre les sentiments d’excellence qu’elle voit dans ses sujets et dans l’avenir de l’art afro-américain. Chatmon veut que quiconque regarde ses créations ressente le même sentiment de puissance qu’elle a ressenti lorsqu’elle a vu une toile de Klimt pour la première fois : « Je veux que la personne qui voit mes œuvres ressente ces sentiments de pouvoir, de magnificence. »